L'Agent Secret

Ce roman de Conrad ne parle ni de mer, ni de jungle, mais mérite le détour. L'histoire se noue à la fin du XIXème siècle au sein d'une famille de commerçants apparemment placide et bourgeoise: Verloc, sa femme, sa belle-mère et son beau-fils un peu demeuré, et quelques anarchistes amortis et inoffensifs qui les fréquentent. Mais Verloc, agent secret au service de l'ambassade d'un pays étranger non identifié, est poussé par son employeur à fomenter un attentat qui échoue lamentablement, le porteur de la bombe explosant accidentellement avec elle au milieu d'un jardin. Ce drame, rapidement élucidé par la police, engendre une série de crises de plus en plus tragiques parmi ces gens figés dans leur mode de vie routinière et dépassés par ce qui leur arrive. Comme les autres livres de Conrad, il faut lire ce texte lentement pour se laisser pénétrer par la beauté des scènes qu'il décrit minutieusement avec tout un jeu d'ombres et de lumières: le matin et sa lumière dans les rues de Londres, le clair-obscur de la boutique au fond d'une petite rue ou vit la famille et où se déroule l'essentiel du drame, un fiacre hors d'usage traîné par un cheval squelettique qui avance lentement dans la nuit tombante, l'éclat de lumière sur l'alliance de Mme Verloc dans le noir de son parloir un soir de désespoir... On dirait parfois du Caravage.